Université JOSEPH  FOURIER GRENOBLE 1

Laboratoire de Biologie des populations d'altitude

UMR-CNRS 5553

ECOTAXONOMIE DU SOUS-GENRE

FORMICA SENSU-STRICTO

Proposé par ValéryLEMOINE

en Maîtrise de Biologie des Populations et des Ecosystèmes

Maître de stage : MonsieurWITTMAN

Novembre 1998

SOMMAIRE


RESUME

INTRODUCTION

I - POSITION SYSTEMATIQUE DU SOUS-GENRE   FORMICA SENSU-STRICTO

II - CARACTERES GENERAUX DES FOURMIS DESBOIS

III -DESCRIPTION MORPHOLOGIQUE, BIOLOGIQUE ET GEOGRAPHIQUE DE CHAQUE ESPECE

IV - INFLUENCES DES FACTEURS CLIMATIQUES ET PEDOLOGIQUES

A - Profondeur du sol

B - Température

C - Ensoleillement

D - Précipitations

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXES


RESUME

Ce travail développe la taxonomie des différentes espèces de fourmis rousses, leurs caractèristiques morphologiques et biologiques, leurs répartitions géographiques ainsi que l'influence de paramètres climatiques et pédologiques.


INTRODUCTION

Les intérêts écologiques des fourmis des bois ont suscité de nombreuses études.En 1958, l'Organisation Internationale de Lutte Biologique a créé un groupe de travail chargé d'étudier tous les aspects biologiques et écologiques des fourmis des bois. Depuis 1964, le Conseil de l'Europe encourage les pays membres à protéger ces espèces.

Selon les chercheurs et les époques, les connaissances ont été modifiées et approfondies.

Les fourmis des bois appelées aussi fourmis rousses appartiennent à la sous- famille des Formicinae(fig 1).Cette sous-famille regroupe des fourmis supérieures parleur agilité, le développement du cerveau et du gésier. L'entraide entre ouvrières est plus fréquente qu'ailleurs. Elles ne possèdent pas d'aiguillon mais projetent de l'acide formique fortement concentré.

Ces fourmis du genre Formica sont de taille moyenne,principalement insectivores, très communes en régions froides ou humides, elles sont regroupées dans le sous-genre Formica sensu-stricto.

Selon les spécialistes myrmécologues, 7 à 8 espèces différencient ce sous-genre.

Formica lugubris (Zetterstedt)

Formica rufa (L)

Formica polyctena (Foerst)

Formica pratensis (Retz)

Formica aquilonia (Yarrow)

Formica truncorum (Fabr.)

Formica uralensis (Ruzsky)

Formica cordieri (Bondroit)

Ces espèces présentent entre elles d'étroites similitudes morphologiques et biologiques rendant leur détermination parfois difficile. (ROQUES ET TOROSSIAN,1977).

REMARQUES

Certains chercheurs tels que CASEVITZ-WEULERSSE (1986) ou STITZ(1912) préfèrent utiliser la notion de super famille Formicoidae dans laquelle on retrouve les quatre grands groupes de fourmis, répertoriés en famille: Formicoidae, Dolichoderidae, Myrmicidae, Poneridae.D'autres tels que CHERIX (1986) ou BERNARD (1968) répertorient les fourmis dans une famille (Formicoidae) et les 4 grands groupes en sous-famille (Formicinae, Dolichoderinae,Myrmicinae, Ponerinae).

 

Formica truncorum ne construisant pas de véritables dômes, et Formica uralensis évitant les forêts, cela pourrait expliquer que ces deux espèces ne sont pas toujours considérées comme de véritables fourmis des bois par certains myrmécologues tel que CHERIX(1986) .

 

La nomination Formica sensu-stricto est équivalente à la notation "groupe Formica rufa"mais prête moins à confusion par rapport à l'espèce Formica rufa.


I - POSITION SYSTEMATIQUE DU SOUS-GENRE

FORMICA SENSU-STRICTO

Les fourmis des bois présentent un pétiole d'un seul article, il n'y a pas d'étranglement entre le premier et le deuxième segment du gastre, ce dernier vu de dessus laisse apparaître cinq segments. Le clypéus ne se prolonge pas entre les lames frontales. Elles n'ont pas d'aiguillon,mais projettent de l'acide formique. Elles font donc partie de la sous famille des Formicinae (fig.2 et 3)

Les antennes sont composées de douze articles et leur base est voisine de la marge postérieure du clypéus. Les mandibules sont larges et dentées.La taille des articles du funicule est croissante du deuxième au cinquième article. L'aire est bien délimitée,les deux stigmates de l'épinotum sont allongés et les ocelles sont bien visibles. Ces fourmis rousses appartiennent donc au genre Formica.

Le bord antérieur du clypéus n'est pas échancré, l'occiput peut l'être très légèrement. Les articles cinq et six des palpes maxillaires sont aussi longs que le deuxième.Les articles 6, 7 et 8 du funicule sont beaucoup plus larges que les deuxième et troisième articles. Ces caractéristiques définissent les fourmis du sous-genre Formica sensu-stricto.


II - CARACTERES GENERAUX DES FOURMIS DES BOIS

Les fourmis des bois ont une taille moyenne(5 à 10 mm) et sont réputées pour leurs jets d'acide formique. Cet acide (concentré à plus de 50%) est sécrété par la glande à poison et peut être envoyé à plus d'un mètre de distance. Cette arme chimique et l'agilité de ces fourmis en font des prédateurs redoutables pour la majorité des autres insectes.

Habituellement, une fois sur le terrain de chasse, les fourrageuses chassent individuellement. Elle capturent essentiellement des proies mobiles ; c'est donc la vue du mouvement qui conditionne leur comportement prédateur.

La technique de chasse se résume en trois phases : la détection de la proie par ses déplacements, la réaction d'agressivité se manifestant par l'ouverture des mandibules et l'orientation des antennes vers l'avant, puis l'attaque consistant en la saisie de la proie et parfois de l'utilisation de l'acide formique pour l'immobiliser. Une ouvrière peut tirer une proie pesant 60 fois son propre poids qui est de l'ordre de 7 à 10 mg.

Lorsque la capture de la proie est difficile,( par son poids ou sa résistance ), les mouvements quelque peu désordonnés de la fourrageuse permettent le recrutement de ses congénères. Elles participeront à l'immobilisation complète de la proie et à son transport (les frottements au sol sont diminués quand la

proie est soulevée).

Les fourmis des bois sont omnivores, leur régime alimentaire est constitué de protéines et de lipides, indispensables à la croissance des larves,et de glucides , source énergétique de première importance pour les ouvrières adultes. Les protéines et lipides proviennent essentiellement des proies animales et dans une moindre mesure des graines, les glucides étant procurés par le miellat des pucerons. Ces derniers tiennent aussi une place importante dans l'alimentation protidique, puisqu'ils représentent 30 à 50 % des arthropodes dévorés(TOROSSIAN,1980).

Une des caractéristiques les plus spectaculaires des fourmis des bois est assurément leur habitation en forme de dôme. Pour construire leur nid, ces fourmis utilisent des aiguilles de conifères, des brindilles,des bouts de rameaux, etc. Les composants du nids dépendent des apports du milieu.

Les fourmis des bois peuvent présenter trois types différents d'organisation sociale, dépendant du nombre de reines dans la fourmilière ainsi que du nombre de fourmilières dans la colonie (1 dôme = 1 fourmilière).Le type le plus simple mais pas forcément le plus primitif,est représenté par la société monogyne(une seule et unique reine) et monocalique (une seule et unique fourmilière). Les fourmis peuvent aussi constitué une société polygyne et monocalique ou polygyne et polycalique. Ces types d'organisation ne sont pas un critère de différenciation des espèces, car certaines présentent ces trois types d'organisation ( Formica rufa) .Dans certains cas, le nombre de nids formant une colonie polycalique est si élevé que nous parlons alors de super-colonie(CHERIX.1986) .

L’essaimage débute dès le mois de mai, des jeunes mâles et femelles ailées quittent le nid pour le vol nuptial. Chaque femelle est fécondée par plusieurs mâles, ces derniers meurent après l'accouplement.

Les jeunes reines fécondées du sous-genre Formica sensu-stricto sont incapables de fonder à elles seules leur propre société et doivent, soit parasiter une société d'une autre espèce de fourmis appartenant au sous-genre Serviformica en usurpant la place de la reine, (seule solution pour les espèces strictement monogynes), soit être acceptées dans une société polygyne de la même espèce,qui peut fort bien être la société dont elles sont issues.

Les fourmis de bois résident dans les forêts de feuillus et de conifères, partout où les rayons du soleil peuvent arriver jusqu'à terre. Elles sont présentes en Europe et dans les régions tempérées de Sibérie et d'Amérique du Nord.


III - DESCRIPTION MORPHOLOGIQUE, BIOLOGIQUE ET GEOGRAPHIQUE DE CHAQUE ESPECE (fig.4)

Formica lugubris (ZETTERSTEDT, 1840) .

C'est l'espèce observée durant le stage ECOFOR.

Elle se distingue surtout par sa pilosité: c'est la plus poilue de nos Formica sur les pattes et les mésopleures. Les poils de la tête sont plus fins, mais plus denses qu'ailleurs (BERNARD, 1968) .

Sa tête vue de face présente de longs poils dressés sur l'occiput, le dessus de la tête est noire et ses yeux sont poilus, le pronotum possède une tâche noire sans limites distinctes (CHERIX,1988) .

Cette espèce est très caractéristique par la pilosité des trois segments thoraciques qui sont entièrement recouverts de soies raides et longues, d'autre part, au niveau du prothorax, la distribution semble différente: pas de macrochètes au niveau des pointes latérales de ce segment.

Les bords marginaux des propleures sont garnis de soies longues assez nombreuses ; les mésopleures sont densément implantées de grandes soies longues et dressées sur tout la surface.

La pigmentation n'est pas aussi nette que chez Formica pratensis, la tache sombre du prothorax arrive à la suture promésothoracique et descend nettement sur le côté. Le mésothorax est également taché.

Par ses nombreuses ressemblances morphologiques Formica lugubris a souvent été confondue avec Formica pratensis, notamment par FOREL, DONISTHORPE et YARROW (1910) .

La variabilité entre les individus est très grande, certaines ouvrières de Formica lugubris pourraient se confondre avec les ouvrières de Formica pratensis si l'on considérait seulement la tache sombre promésothoracique, cependant la couleur beaucoup moins franche permet de les différencier(TOROSSIAN,1977) .

Les techniques plus performantes (microscopie électronique à balayage) ont permis plus de détails dans la différenciation.

Suites à des expériences de prélèvements et de confrontations effectuées dans les parcelles étudiées dans le cadre du projet ECOFOR, il a été observé que les nids sont reliés entre eux et donc appartiennent à une même colonie, les Formica lugubris forment donc une espèce polycalique (fig 5.1) .

En Suisse, dans le Jura Vaudois, (région du col du Marchairuz), CHERIX et GRIS ont découvert en 1969, une super-colonie de Formica lugubris, de plus de 1200 fourmilières occupant une surface de 70 hectares,reliées entre elles par plus de 100 km de pistes. Cette super-colonie est estimée à 150 millions d'individus et la population moyenne par fourmilière est comprise entre 100 000 et 150 000 fourmis.

Durant le réveil printanier (fin avril, début mai) sur un même dôme, il est observé la sortie de plusieurs reines qui viennent alors se réchauffer. Cette espèce est donc polygyne :plusieurs reines fonctionnelles se tolèrent dans la même société. Cette structure sociale rend ainsi la fourmilière potentiellement immortelle.

Les dômes construits par les Formica lugubris sont en général de type élevé.La taille ne dépend pas essentiellement de l'espèce,mais reflète plus souvent les conditions externes (les influences des facteurs climatiques et pédologiques sont étudiées en quatrième partie) .

Les Formica lugubris ont une répartition géographique montagnarde; elles sont communes dans les montagnes de 700 à 2000 m (la présence en altitude des fourmis dépendrait de la moyenne des heures d'ensoleillement annuel) , elles supportent mieux que les F.Rufa les étés très pluvieux, et survivent des mois sous des couches de neige considérables (BERNARD 1968) .

La comparaison des vitesses de déplacement montre que Formica lugubris est la plus rapide des fourmis des bois, à l'échelle humaine, cela correspond à

19 km/h.

Lorsque la température de l'air avoisine 5°C, les ouvrières de Formica lugubris ont une vitesse moyenne de 5 mm/s ; à 10°C 15 mm/set à 20°c 35 mm/s. Ces données montrent uneadaptation au climat froid et rigoureux, il y a un avantage très net à pouvoir se déplacer à basses températures pour assurer la récolte de nourriture et se livrer aux activités extérieures même par temps frais.

Cette fourmi est commune dans les hautes montages d'Europe centrale (Italie, Suisse, Autriche) et dans les plaines (Scandinavie, Irlande, Angleterre et Ecosse).En France, elle est présente dans les Pyrénées,les Alpes, les Vosges, le Massif Central et en Ardèche.

Formica rufa (L.,1758)

Cette fourmi ne présente pas de longs poils sur la tête, ni sur les yeux, seule la face supérieure du thorax est poilue (CHERIX, 1988) .

Sa taille est légèrement supérieure à celle de Formica polyctena à qui par ailleurs elle ressemble beaucoup, tant par la couleur que par l'aspect général, au point qu'il est impossible de la différencier à l'oeil nu.

La hauteur moyenne de la fourmilière est d'environ 50 cm ou plus, la circonférence atteint plusieurs mètres. les sociétés sont pour la plupart monogynes et monocaliques (un seul nid par colonie) plus rarement polygynes et polycaliques ou polygynes et monocaliques.

Cette espèce peuple principalement les forêts de conifères,(épicéas) ou de chênes des basses régions et des régions pré montagneuses, dans les endroits humides et ombragés.Dans un grand nid vivent près d'un million d'individus,et souvent davantage.

On trouve parfois plusieurs nids à proximité immédiate les l'uns des autres. Il s'agit de nids secondaires, issu d'un nid devenu trop grand.

En Suisse, FOREL (1913) avait démontré qu'un gros nid de cette espèce peut détruire chaque jour plus de 10 000 insectes nuisibles aux arbres, aussi a-t-il obtenu un règlement fédéral interdisant la destruction des nids.

La Formica rufa peuple une grande partie de l'Europe, elle se trouve des Pyrénées à la Norvège. Elle vit également en Sibérie,dans le Caucase et en Amérique du Nord.

Formica polyctena (Foerster,1850)

Cette espèce ne présente pas de longs poils dressés sur la tête ni sur les yeux;la face supérieure est glabre (CHERIX, 1988) . TOROSSIAN(1976) la caractérise aussi par l'absence ou la présence rare des macrochètes mais lui ajoute une distinction pigmentaire: la tache brune du prothorax n'arrive pas à la suture promésothoracique; la tache sombre du mésothorax est très peu étendue mais cependant bien délimitée: elle dessine un petit rectangle noir, qui se détache très nettement de la couleur rousse du thorax.

C'est chez cette espèce que l'on rencontre les plus gros nids et les plus grandes populations;cette espèce est polygyne (jusqu'à 5000 reines dans un même nid) et parfois polycalique, elle joue donc un rôle important dans la prédation des ravageurs forestiers (sa transplantation est effectuée pour lutter contre les ravageurs).II n'est pas rare de rencontrer des nids très aplatis dont les galeries peuvent s'enfoncer à plus de deux mètres sous la surface du sol.

Comparée à Formica rufa,cette espèce est plus agressive, elle est donc plus appréciée en sylviculture. Un grand nombre d'ouvrières se rassemble sur une proie.

Cette espèce se rencontre dans le centre de l'Europe et dans les régions tempérées d'Asie. Selon CHERIX (1986) c'est une espèce de plaine,qui vit entre 680 et 800 m, tandis que BERNARD (1968) la considère moins alpine que Formica rufa et présente jusqu'à 1200 m en montagne.

Formica pratensis (Retzius, 1783)

Chez cette espèce, la tête vue de face présente de longs poils dressés sur l'occiput, le dessus de la tête est noire, les yeux sont poilus et le pronotum présente une tache noire strictement délimitée.

C'est la fourmi rousse des prés.C'est la seule espèce de fourmi rousse construisant ses nids en milieu ouvert (prairies, champs, talus, lisières des forêts...), elle utilise parfois des brindilles d'herbes sèches et de graminées. Une telle colonie peut comporter un nombre élevé d'individus, mais reste toutefois de loin moins nombreuse que celle de Formica rufa.Le nid peut être monogynes ou oligogyne, mais très rarement polycalique. (BERNARD (1968) la considère comme polycalique).

Cette espèce est répandue dans l'ensemble de l'Eurasie et se rencontre dans les Alpes jusqu'à 2000 m d'altitude.

Cette fourmi a été décrite par plusieurs myrmécologues sous différents noms tels que : Formica nigricans (Emery, 1909)et Formica cordieri (Bondroit, 1917). C'est sa répartition géographique irrégulière qui a pu provoquer des confusions.

Formica aquilonia (Yarrow 1955)

Selon BETREM (1960) cette espèce est de couleur plus claire que les autres, tandis que TOROSSIAN(1976) la considère plus foncée dans son ensemble.

BERNARD (1968) la distingue de Formica lugubris par les poils fins et moins denses sur la tête de l'ouvrière.

Le professeur RONCHETTI (1966) indique que la tache sombre du prothorax arrive à la suture promésothoracique,celle du mésothorax apparaît nettement plus prononcée que chez Formica lugubris, mais toujours mal délimitée.

Le segment médiaire est sombre, et sa pigmentation apparaît toujours mal définie.

Les nids sont généralement d'un mètre de haut, dans les vieilles forêts bien conservées.

La structure du nid est la même que chez Formica lugubris mais, on n'y voit pas comme chez cette dernière une masse noire de grosses ouvrières protégeant le sommet du dôme : donc chez Formica aquilonia la fonction défensive est moins marquée(YARROW, 1955). Les nids sont poygynes et polycaliques (CHERIX,1988).

Espèce boréo-alpine, dans les Alpes au-dessus de 1200 m (BERNARD, 1968), les stations de France sont surtout au-dessus de 1800 m, dans les petits bois de Pinus uncinata (YARROW, 1955).

Formica truncorum (Fabr., 1804)

C'est la plus rouge de toutes nos fourmis des bois. La tête vue de face présente de longs poils dressés sur l'occiput, la tête et le thorax sont rouges et très poilus (CHERIX, 1988).

Elles habitent les zones forestières,soit dans les troncs, soit dans le sol humide ou même dans la tourbe. La fondation du nid se fait avec l'aide d'ouvrières de Formica fusca (BERNARD,1968).

Rares en France, elles sont plus répandues en Suisse et en Italie du Nord.

Formica uralensis (Ruzsky, 1895)

C'est une fourmi de morphologie très voisine de Formica rufa, mais la tête est plus noire.

Les nids sont faits de monticules peu élevés,mais pouvant atteindre 1,45 m de large. La paroi de ces monticules,en fines branches, peut avoir 30 à 40 cm d'épaisseur.

Le reste du nid est très souvent bourré de Sphagnum (d'après les observations de SKWARRA (1926), dans les tourbières de Prusse, et celle de RUZSKY (1906), à l'Est de l'Oural).

Cette fourmi habite les plateaux steppiques,plus ou moins tourbeux et évite les forêts. C'est une fourmi assez rare en Europe ; elle réside en Mongolie et en Asie froide steppique.


IV - INFLUENCES DES FACTEURS CLIMATIQUES ET PEDOLOGIQUES

 

A - Profondeur du sol

Les fourmis des bois qui installent leur habitat à l'intérieur d'une forêt de feuillus,disposant d'un sol profond, ont tendance à construire des nids dont la base sera très large.

On remarque tout autour de la partie épigée une zone de terre remuée, dans ce cas un important réseau de galeries va se trouver sous la surface du sol et abritera une grande partie de la population, bien que ce genre de nids soit moins impressionnant, ils sont très populeux, et il n'est pas rare d'y trouver 500 000 ouvrières et quelques milliers de reines.

Lorsque le sol est peu profond comme en montagne, et que les fourmis n'ont pas la possibilité de creuser, la roche mère affleurant à la surface du sol, les nids seront élevés et posséderont un réseau de galeries souterraines limité; dans ce cas il existe une couronne de tourbe s'élevant du sol jusqu'à la moitié environ de la partie épigée de la construction.

Cette couronne de tourbe compacte jouerait plusieurs rôles : soutien de la fourmilière, isolation thermique et protection même de la société.Cette tourbe aurait pour origine l'abandon progressif par les fourmis des zones périphériques du dôme soumises aux intempéries, (pluie et neige) (CHERIX,1986).

Ces hypothèses expliqueraient la taille élevée des dômes élaborés par Formica lugubris observés sur le site des Sauvas, dans le massif de Dévoluy (hautes - Alpes)dans le cadre du projet ECOFOR

 

B - Température

Les fourmis étant des animaux poïkilothermes,c'est à dire dont la température corporelle suit les variations de celle du milieu, leur activité va dépendre de la température ambiante.

Chez les fourmis des bois, la structure de leur habitat participe au maintien d'une température de 22°C à 30°C durant la saison d'activité,même lors des journées pluvieuses où la température de l'air peut chuter en-dessous de 10°C; mais d'autres facteurs interviennent.

Lors de la destruction de tous les individus d'une fourmilière, sans démolir le nid, il a été observé que la température interne du nid suit rapidement les variations enregistrées dans le sol à profondeur identique. Ce sont donc les fourmis elles-mêmes qui produisent une chaleur métabolique; en effet, la dégradation enzymatique du miellat, qui se déroule dans le système digestif des ouvrières, est une réaction exothermique.

La température interne élevée permet d'assurer un développement optimal du couvain. Normalement,dans ces conditions la durée de développement d'une ouvrière, de l'oeuf jusqu'au stade adulte, durera environ un mois, alors que dans un milieu où la température suivrait les variations journalières, il faudrait compter deux mois, ou plus.

Cette chaleur permet aussi de maintenir une activité interne constante des ouvrières et des reines et donc une production d'oeufs ininterrompue pendant l'été.

La température a une importance fondamentale dans la production des sexués. Si la température à l'intérieur de la fourmilière est inférieure à 19°C lors de la ponte des oeufs au printemps, les muscles agissant sur la spermathèque et permettant le passage des spermatozoïdes stockés ne pourront être activés et l'oeuf pondu sera émis sans être fécondé. Un oeuf non fécondé donne toujours un mâle.

C - Ensoleillement

Le dôme de couleur sombre est un excellent capteur solaire; les températures à la surface dépassent parfois 60°C. L'apport du soleil reste essentiel pour permettre,au printemps, d'élever la température dans le nid.

En ouvrant les sorties du nids sur les côtés ensoleillés, en début de matinée, puis sur la face à l'ombre lorsque la température est trop élevée, les ouvrières arrivent à créer un courant et à maintenir une chaleur optimale.

La nuit, nous avons observé la fermeture des sorties, elle permet d'éviter les déperditions de chaleur.

L'ensoleillement a une influence sur la taille du dôme. Les nids aplatis reflètent des conditions climatiques favorables, les nids élevés indiquent un climat rude où les fourmis s'efforcent d'optimaliser la construction de leur nid de manière à profiter au maximum de l'ensoleillement.

Les fourmis orientent, de préférence,leurs fourmilières au Sud-Est.

D - Précipitations

La structure des nids des fourmis rousses est adaptée pour faire face aux précipitations.Les ouvrières déplacent les brindilles de petites tailles au sommet du dôme et laissent à l'intérieur les grandes brindilles qui constituent une sorte de charpente.

Les petites brindilles (aiguilles de sapins et d'épicéas) assurent l'imperméabilité du nid en formant une couche de plusieurs centimètres (3 à 10 cm).

Comme il l'a a été précisé précédemment les nids résistent sous d'épaisses couches de neige

Lors des précipitations les fourmis rousses ferment les sorties du nid et suppriment leurs activités externes. La pluie efface leurs pistes odorantes et chaque goutte présente un danger.


CONCLUSION

Pour être décisif vis-à-vis de la différenciation des espèces, le critère d'interfécondité serait le plus efficace, cependant la reproduction artificielle des fourmis est très délicate et rarement réussie.

Le vol nuptial est induit par de nombreux facteurs (pression atmosphérique, vent, température,...) et son processus reste à étudier. Seul le critère de ressemblance morphologique est utilisé.

Des études complémentaires utilisant l'outil génétique permettront de préciser la parenté entre les colonies sur les différents sites suivis en 1998 dans le cadre du projet ECOFOR.


BIBLIOGRAPHIE

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CHERIX D. 1986.Les fourmis des bois. ( Atlas visuels Payot Lausanne ) p.58

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CHINERY M. 1997.Insectes de France et d'Europe occidentale ( Arthaud)

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HÖLLDOBLER B. et WILSON E. O.1996. Journey to the ants : a story of scientificexploration (Seuil). 242p

ROQUES L. et TOROSSIAN C. 1976. Etude par microscopie électroniqueà balayage, de la morphologie du thorax des ouvrièresde fourmi

TOROSSIAN C.1980. L'alimentation protidique des colonies deFormica lugubris de la Cerdagne orientale. Bulletin de la Sociétéd'Histoire Naturelle de Toulouse207-211

TOROSSIAN C.1975. Etude par microscopie électroniqueà balayage, de la morphologie céphalique des ouvrièresdu groupe Formica

Toulouse,322-326.

ZAHRADNIK J. 1991Guide des abeilles, guêpes et fourmis. Les

Hymenoptères d'Europe (Hatier) p.192


ANNEXE 1


ANNEXE 2

MORPHOLOGIE DU GENRE Formica

(d’après CHERIX, 1986 et TOROSSIAN,1976)


ANNEXE 3

CLEF DICHOTOMIQUE DU SOUS-GENRE FORMICASENSU-STRICTO

Insectes

Insectes à Insectes àInsectes

métamorphose complète métamorphoseincomplète amétaboles

Hyménoptères ColéoptèresDiptères Trichoptères LépidoptèresNévroptères

Aculéates TérébrantsSymphytes

Formicidae Vespidae Apidae Autresfamilles

Formicinae Myrmicinae DolichoderinaePonerinae

Formica Lasius Camponotus PolyergusPlagiolepis Brachymyrmex Cataglyphis Proformica

Formica sensu stricto ServiformicaRaptiformica Coptoformica

lugubris polyctena rufa pratensisaquilonia truncorum uralensis


ANNEXE 4

PILOSITÉ ET PIGMENTATION DU SOUS-GENREFormica sensu-sricto

(d’après PAVAN, 1959 et TOROSSIAN,1976)


ANNEXE 5

5.1.Prélèvements et confrontations entre fourmis de dômes différents

Cette technique permet de connaîtreles relations entre les différents dômes et doncde déterminer la grandeur et le nombre de colonies dansune parcelle forestière donnée.

La distance entre les nids est variable.Le prélèvement s'effectue par extrait de nids (brindilles+ fourmis) à l'aide de récipients de 50 ml. Le nombrede prélèvements par dôme dépend dunombre de confrontations nécessaires.

 

La confrontation consiste à déverserle contenu du récipient sur le nid ciblé. Il s'ensuitune réaction d'acceptation ou d'attaque. Ainsi les nidsd'une même colonie sont déterminés.

5.2. Prélèvements et observations

Pour chaque dôme, il est prélevéune dizaine d'ouvrières qui seront observées àla loupe binoculaire et conservées dans de l'alcool à90° pour une observation ultérieure.

C'est la répartition des pigmentset des poils sur des parties précises du corps de la fourmiqui permet la détermination exacte de l'espèce.

Il est à noter, qu'il existe unevariabilité de pilosité entre ouvrières d'unmême dôme et donc d'une même espèce.

Il y a différents types de poils(microchètes et macrochètes) essentiellement visiblesau microscope électronique.

 

5.3. Localisation des nids

La collecte des données concernant le peuplement forestier a été réalisé sur cinq parcelles d'un hectare chacune (100m x 100m). Chaque parcelle forestière étudiée a été divisée en quadrats de 100 m2 (utilisation d'un topo filet d'une boussole), en mailles serrées afin de cartographier l'emplacement des nids.

La situation de chaque fourmilière a été décrite, il est intéressant de préciser si les nids se trouvaient en pleine forêt,en lisière ou dans une clairière. L'importance de l'ensoleillement a été pris en compte ainsi que l'altitude (lecture des courbes de niveau sur la carte).